lundi 27 octobre 2008

Merde à la crise !

En plein marasme économique, j’aime me poser en observateur.
Il y a un tel décalage entre les couches de la société que j’en reste pantois. Je m’explique.

La semaine dernière en salle de pause.
Quelques collègues sont là à discuter – évidemment du chaos qui secoue les bourses mondiales actuellement – et voilà que l’une d’elles se met à dire que de toute façon, ça ne nous touchera pas. « On est pas une banque » ose-t-elle lâcher… Oui, mais ce qu’elle omet, c’est que nous aussi, nous empruntons… Bref, on ne rentrera pas dans les détails, mais visiblement certains de mes collègues me laissent la vague impression qu’ils habitent au pays de Candi !

Une quinzaine de jours auparavant, en réunion au siège à la capitale.
Au milieu de directeurs des risques des filiales régionales, l’inquiétude gagne… Que va-t-il ou plutôt que peut-il se passer dans les prochains jours, vu que personne n’ose risquer un pronostic. Quand Dexia et Fortis Banque sont dans le gouffre, ou au bord, on voit mal comment ça pourrait s’améliorer… Mais c’était sans compter sur notre super héros national et ses z’amis européens qui – in extremis – décident d’engager moultes fonds publics pour sauver les banques de la faillite. Sans garantie aucune. Sauver les économies des petits porteurs, ça c’est la version officielle. Sauver les fortunes investies en titres boursiers, ça c’est davantage la véritable raison à mon goût… Bref.
A cette réunion de grands directeurs, on nous improvise au pied levé un petit point sur la crise « financière » du moment. Et les perspectives ne sont pas roses, mais « nous, on a limité la casse… »
N’en déplaise à certains, quand Lehman Brothers tombe, ma boite en laisse aussi pour quelques centaines de miliers d’euros. C’est ça aussi la globalisation.
En résumé : l’orage gronde, et tout le monde fait le gros dos, en espérant que ça passe vite…

Retour en salle de pause, ce matin.
Etat des lieux : la crise s’est propagée à l’économie dans sa globalité. On entend parler ci et là de plan social, de licenciements, de chômage technique, de congés forcés. Mais chez nous : toujours rien. Chacun se sent protégé. La crise, elle n'est pas chez nous. Et pourtant, en y regardant de près, la production ralentit. De façon importante. Mais visiblement, mes collègues trop occupés dans leur dossier, n’ont pas jeté un œil aux derniers chiffres…

Et puis, ce week-end, au hasard des rencontres au cours d’une soirée de fous, un conseiller en gestion travaillant sur des produits retraite me rejoint dans le fond de ma pensée.
1er point : nous, les français, vivons au dessus de nos moyens. Comparativement à nos parents dans les années 70, nous allons davantage au resto, au ciné… et avons des budgets supplémentaires non négligeables : communication et média (merci Internet et le portable !). Difficile dans ces conditions de joindre les 2 bouts.
2e Point : les salariés en CDI s’imaginent intouchables. D’une façon générale, on a trop peu tendance à remettre en question nos compétences et qualités. On devient donc de moins en moins efficaces, comme si on ‘’s’encroûtait’’. Comment alors oser imaginer que les licenciements puissent nous toucher avant même que les directeurs et autres PDG n’aient prononcé les mots fatidiques ?
3e et dernier point : mes comparses sont de moins en moins au fait de l’actualité. Je travaille pourtant dans une société ou la fraîcheur de l’information a toute son importance. Il n’empêche, la plupart de mes collègues s’en tiennent aux journaux de David et Laurence… et ne cherchent pas à confronter leurs sources. C’est dommage et surtout contre-productif parce qu’initier un débat avec eux tourne vite à vide…

Mardi dernier, j’ai dîné avec un ami dans un resto aux prix très doux, et connu dans la région. Peu de clients. Trop peu. La crise ? Peut-être. Peut-être pas. Jeudi fin d’après-midi, passage en ville. Du monde dans la locomotive de la rue des Grandes Ecoles, mais sans plus. Et j’en passe…

De tout cela, un drôle de sentiment monte en moi… Et si finalement la populasse était en train d’adresser un message sans destinataire précis, mais un message lourd à porter ? Comme une envie de dire : « Merde à la crise ! ». Sauf que je ne donne pas 2 mois pour que je vous rapporte l'exemple typique de réduction de personnel, même dans ma "super-société", où on a "même pas été touché !"
CQFD